Animated Matter
(10.9.–03.10.2021)
Curate de Mathis Pfäffli
1 Matheline Marmy 2 Micha Zweifel 3 Hammer Band (Raphael Stucky & Res Thierstein) 4 Anna Bak 5 Lisa Lurati 6 Manuel Schneider
En automne 2021, nous avons ouvert à St-Imier, à LaDépendance, et dans le terrain qui l’entoure, une expositionde groupe, je l’ai appelee dans mon rôle de curateur invité╯Animated Matter╭ (matière animée).
Il convient, pour une meilleure compréhension, de mentionnerégalement dans ce rapport final, d’expliquer brièvement cequ’est la Dépendance.
Dans le paragraphe suivant, Jan vanOordt décrit ce que cette petite institution doit accomplir:
La Dépendance accueille un programme de résidencesaisonnière pour des artistes invités, qui dure généralementde mai à octobre. La coexistence, le storytelling et le retrait actifainsi que les marges, l’offstream ou l’interdépendance et lesrelations avec la ‘nature’ constituent la terminologie de travaildans l’ orbite de la maison.
La Dépendance Residency souhaite organiser des rencontresinformelles et des conversations en se plaçant à la frontièreentre l’espace privé et l’espace public.
Il s’agit plutôt d’un espace perception expérimentale que deproduction. En tant qu’ancien résident, je connais bien le lieu et je mesuis fixé comme objectif, avec cette exposition collective, ded’aborder avec ce lieu, en tant que terrain, mais aussi en tantqu’idée.Dans la feuille de salle (ou plutôt, dans ce cas, dans la feuillede champ) j’ai formulé l’introduction de notre expositionainsi : Qu’est-ce que La Dépendance et qu’est-ce qui faitqu’elle est ce qu’elle est?Jan van Oordt y a travaillé au cours des dernières années; il aréuni des artistes, qui l’intéressent et dont les thèmes detravail sont certainement dans une direction similaire à sapratique.
Son hospitalité et l’aménagement de La Dépendance en tantque résidence ont donné lieu à de nombreux échanges. Beaucoup des participants sont souvent visiteurs, et lesdiscussions se poursuivent en dehors de La Dépendancedans d’autres contextes. D’une manière ou d’une autre l’idéede Jan est devenue un peu autonome et pour moi, et peutêtreaussi pour d’autres, un espace de réflexion est né ici, quim’accompagne souvent dans d’autres lieux.Tout comme La Dépendance, ╯Animated Matter╭ est unmoment dans un processus.Lorsque nous avons commencé il y a six mois avantl’ouverture le plus part des personnes impliquées n’avaientpas encore entendu parler de la Dépendance, ou très peu. Au fil du temps, un échange s’est instauré,par le conferences de zoom, de rencontres sur place,d’e-mails et de récits des histoires, qui ont permis auxartistes de découvrir le lieu et ont pu se familiariser avecl’atmosphère. Les travaux enfin, ont été produit pendantquelques jours dispersés en été et au début de l’automne2021, sur place et pour La Dépendance.Le résultat est une exposition dans laquelle le traitement de lamatière fait partie du contenu. Le temps joue un rôle dans cestravaux, mais aussi des légendes et des récits. Le tempscomme force et comme principe d’ordre.Je reconnais une approche presque animiste avec lesmatériaux, et je sens que ces matériaux sont l’importance deses propriétés dans ces travaux. Je trouve des significations qui évoluent au fil du temps.peuvent être modifiées. L’archéologie et la boucle de lanature me semblent être déjà prises en compte.Je trouve peu de réponses absolues, plutôt des questionsinstables. Et pourtant, cette exposition laissera des tracesqui, si elles restent assez longtemps, attireront peut-êtrel’attention de quelqu’un plus tard et deviendront ainsiquelque chose de complètement nouveau. C’est ce que╯Animated Matter╭ pourrait raconter.J’espère que cela fonctionnera.Lorsque je parle de processus dans ce texte, je faisréférence à l’ensemble du travail, depuis notre premièrerencontre en tant que groupe jusqu’à la fin de l’expositionqui s’effiloche.En tant que méthode curatoriale, j’ai décidé d’éviter lesvisites de studio et la sélection directe d’oeuvres et d’opterplutôt pour une forme de storytelling. Dès la premièrerencontre, j’ai essayé de transmettre sous différentes formesun sentiment que j’associe à ╯Ani-mated Matter╭ oujustement ╯ la matière animée╭. Ces mêmes histoires ontensuite été utilisées pour illustrer la médiation de cetteexposition.Voici une histoire que j’ai racontée lors du vernissage del’exposition :Je cherche un sentiment que je ne peux pas décrireprécisément.Une fois, alors que j’étais encore enfant, nous avons visitéune exposition d’art préhistorique, je crois que c’étaitpendant les vacances d’automne à Athènes. Nous voulionspasser du temps sur l’île d’Andros avec une famille amiedans une maison de pierre blanche grecque isolée, maisnous sommes finalement allés à Athènes pour quelquesjours et avons visité de nombreuses roches blanches uséeset cette exposition sur la culture préhistorique des Cyclades.On y a également présenté une sélection de petites figurestypiques, les idoles, qui n’ont été trouvées presqueentièrement qu’à l’état brisé. Aujourd’hui encore, elles ne melaissent pas en paix.Les adultes aussi se comportaient bizarrement avec eux àl’époque.J’étais fascinée par leur blancheur presque transparente, jen’avais jamais vu un tel blanc auparavant, cela me rappelaitun peu le ton de mes dents de lait fantaisistes. Et lesformes, ces formes fluides presque parfaites. Elles devaientêtre incroyablement lisses. Elles étaient chaudes ? Ou trèsfroides ? Elles semblaient légères, mais je soupçonnaisqu’elles étaient au contraire très lourdes. Je voulais lestoucher, mais elles étaient protégées derrière un verre épais.Je les aurais léchées.Je les aurais volées et cachées sous mon lit. Mais en fait, jene savais pas ce qui les distinguait des autres objets de mavie.Ils n’avaient rien à voir avec ma vie tellement ils étaientvieux.Ensuite, je me souviens d’une randonnée que nous avonsfaite quand j’avais peut-être sept ou huit ans. Nous devionsnous lever tôt le matin pour nous préparer à la journée. Monpère coupait le pain, ma mère faisait du thé pour la journée. Dans mon souvenir, nous emportions soit un sachet de soupe alphabet, soit une boîte de raviolis pour préparer quelque chose de chaud à midi. Un couteau de poche, de la menthe sportive, de l’ovo-sport et un landjäger. Finalement, nous sommes partis d’un village des Grisons, jene me souviens plus lequel, et nous avons gravi lespremières routes sinueuses jusqu’à ce qu’un petit cheminde randonnée bifurque et nous conduise à travers uneprairie pierreuse dans la forêt.Je mélange probablement plusieurs randonnées en uneseule expérience.Je me souviens de pierriers gris et cassants, d’herbes demontagne vigoureuses, de chardons et de galettes de bousede vache séchée. Quelque part, nous faisions cuire quelquechose sur un bloc de rocher et nous regardions les arbresnoueux de la montagne, le soleil brûlant sur mon chapeaude soleil jaune. Nous avions un objectif pour la randonnée, nous voulionschercher une grande pierre à écuelles.Tout en sirotant de la soupe ou en piquant des raviolisdans la poêle, mes parents parlaient de ces pierres quel’on trouve dans de nombreux endroits et sur lesquellesles hommes ont gravé des dessins il y a longtemps.Parfois des anneaux, parfois des hommes au trait,souvent des trous, des coupes. Cela a dû prendre untemps fou, ces gravures. Les hommes n’avaient pasencore de perceuses à percussion, ni mêmeprobablement d’outils métalliques. Ils devaient doncfrapper des pierres pendant des jours, voire dessemaines, pour que les rainures et les trous soientsuffisamment profonds pour rester visibles jusqu’àaujourd’hui.Plus tard, le chemin nous a menés le long d’une crêtedans la forêt. A un certain moment, les adultes ontcommencé à observer le sol et les pierres de plus près.Bientôt, nous avons trouvé une première plaque couverte degravures, d’anneaux et de trous. Plus nouscherchions, plus nous en trouvions, parfois un peu demousse avait poussé par-dessus, ou un tas d’aiguilles desapin cachait les traces. Nous étions sur un dessin trèsancien. Dans mon souvenir, il était immense et serpentaitentre les arbres à travers la forêt, un peu comme unruisseau ou un champ de neige.A quoi cet endroit était-il destiné ? Personne ne semblaitl’ignorer parmi les autres. Personne ne pouvait le savoir,m’ont-ils dit. Mais cela devait être clairement important.Ce lieu me donnait un sentiment profond et indéfini. Il acertainement fallu beaucoup de temps pour faire cesnombreux, nombreux trous. Je me rendais compte que jeme trouvais dans un lieu qui avait été infinimentimportant pour certaines personnes il y a longtemps, siimportant qu’il me semblait encore vibrer de manièreperceptible. Je ressentais quelque chose, même sipersonne ne pouvait me dire ce que c’était, pourquoi etcomment.Ma mère avait dû se préparer un peu, et pensait que lescoupes servaient peut-être à pour recueillir le sang desanimaux, un sacrifice peut-être. Ou, pensait-elle, peut-êtreque les gens remplissaient les trous avec de l’huile ou de lagraisse, y mettaient des mèches et allumaient les feux. Ellechercha quelque chose dans son sac à dos. Elle en a sortiune bouteille d’huile d’olive et une mèche de bougie. Nousavons rempli l’une de ces coupes avec de l’huile et nousavons bricolé quelque chose avec une branche pour que lamèche sorte bien. L’huile était en train de sortir. Il nous afallu un peu de temps pour l’allumer. Mais ensuite, lalumière s’est allumée. C’était une petite bougie qui ne paiepas de mine.L’après-midi et la lumière devait s’opposerauxLes taches de soleil sur le sol de la forêt.J’ai essayé d’imaginer que c’était la nuit, que tous les bolsétaient remplis de graisse et que des mèches brûlaientpartout.Cela ressemblerait à un ciel étoilé, au milieu de la forêt.L’année dernière, lorsque Jan et moi avons parlé pour lapremière fois de l’exposition, j’étais avec lui et Manuel lesoir sur la crête où se trouvent aujourd’hui les roues. Cesjours-ci, il était écrit dans tous les journaux que l’on pouvaitvoir les nouveaux satellites la nuit. Nous avions mis un réveilet sommes partis nous promener sur la colline à l’heure dite.Et effectivement, à dix heures treize exactement, uneguirlande lumineuse a traversé le ciel nocturne. Les nuagesderrière lesquels elle disparaissait de temps en tempssemblaient incandescents, tant les différents points étaientlumineux. On aurait dit un train rapide ou un train devoitures dans le ciel nocturne.C’est à ce moment-là que je me suis souvenu de larandonnée, du ciel étoilé sur le sol de la forêt et de lasensation que m’avait procurée cet endroit.Cette histoire explique peut-être aussi pourquoi mon ‘texte desalle’ se termine par la remarque ‘j’espère que ça va marcher’. Il est en effet difficile de prévoir ce qu’il restera de nouscomme transmission transgénérationnelle dans la matière. Et pourtant, la production d’objets communicants peut être unemotivation et une intention des artistes contemporains.
L’avenir nous dira quel message en sera lu par qui.
Mathis Pfäffli; decembre 2021
Oeuvres:
1
Matheline Marmy
Solid Wavers, 2021
Stainless steel, copper wire, tin
appx. 250×15×15cm
2
Micha Zweifel
Switch , 2021
Bronze, in a fire place
40×20×15cm
3
Hammer Band (Raphael Stucky & Res Thierstein)
Props for the performance Fiolle that took place on september 19th 2021
4
Anna Bak
«The moon became the minute hand,
the seasons the hour hand.» 2021
Grass, textile/linen, cord.
160×130cm / 140×210cm
5
Lisa Lurati
Cielo graffetta, un omaggio, 2021
Cut grass and engraved copper
6
Manuel Schneider
Untitled (The Moon Is Not
Acceptable), 2021
Concrete, steel, cloth, wire
variable dimensions
First visit in spring
Visit from Rico Scagliola and Sadie Plant with a class from ZHDK